lundi 26 novembre 2018

Déjà-vu

Autoportrait en Chose, 30x30 cm, acrylique sur toile, 2018, © guillaume pinard

Le 16 novembre 2018, à 23h45, j'ai posté sur mon compte Facebook, l'annonce d'une conférence que j'allai donner à la bibliothèque de la Part-Dieu dans la ville de Lyon quelques jours plus tard. Le 17 novembre, à 3h48, un ami a commenté " Fait une petite minute de silence pour Stan Lee avant de commencer la conf ". À 12h59, j'ai répondu " J'ai prévu de me transformer en Chose dans le premier quart d'heure, je pense que l'auditoire reconnaîtra l'hommage ". Le 18 novembre, j'ai posté ce tableau.

J'ai donc pris mon idée au sérieux. J'ai peint mon portrait, puis je l'ai progressivement métamorphosé dans la forme du mutant : la Chose. 

Contrairement à ses trois acolytes - avec lesquels il constitue le groupe des 4 Fantastiques - Benjamin Grimm a la particularité de ne pas maîtriser sa transformation. Son identité est définitivement ensevelie sous la pierre. C'est sa tragédie. Il a perdu son visage.

Comme lui, sous la couche de peinture, mon portrait demeure caché. En le peignant, j'ai réalisé que mon portrait d'adulte s'était fait recouvrir par une image de mon enfance, que cette image ancienne, ce visage de pierre, cette chose m'enveloppait. Ma Chose sourit. L'horreur de Benjamin Grimm n'est pas la mienne. Mon masque n'est pas une prison, mais un appareil de vision, de pré-vision.

Dire que la peinture est un lieu de transformation, de métamorphose n'est pas suffisant. Il faut ajouter que ce mouvement doit se formuler comme une promesse. Il doit conjuguer les temps. La nouveauté doit être enveloppée dans une image ancienne : un déjà-vu. C'est à ce prix que l'image peut être inaugurée, pensée.

Dans les peintures qui me retiennent, les figures donnent toujours le sentiment de venir de très loin et cependant d'avoir déjà une place en moi lorsque je les rencontre, comme si j'étais leur contre-forme, un recueil où peut se dévoiler la clameur inédite de leur présage.

Peut-être est-ce la raison pour laquelle j'aime voir l'image de la peinture avant l'original. L'image doit précéder sa matrice et la recouvrir au moment du contact pour révéler la matière de sa prédestination.

Bébé pépé

Bébé pépé, 2023, Acrylique sur toile, 40x30, ©guillaume pinard À plusieurs reprises, il m'est arrivé de prendre des poupées comme modèle...