Nous sommes au début du film. Nous venons d'arriver sur la planète Krypton. Sous le dôme immaculé d'un tribunal, Marlon Brando, alias Jor-El,
énonce - en procureur général - les charges retenues contre trois
révolutionnaires kryptoniens : Ursa, Non et le général Zod. Accusés de
haute trahison contre l'ordre établi, leur procès est vite expédié et la sentence immédiate. Le dôme s'ouvre alors comme une paupière sur un iris, plateau circulaire au centre duquel les condamnés sont exposés au ciel ;
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| Image du film Superman de Richard Donner, 1978 |
et l'on voit apparaître, surgissant de l'espace, un quadrilatère de verre, virevolter, se diriger vers le dôme,
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| Image du film Superman de Richard Donner, 1978 |
fondre sur les trois condamnés, les capturer et les emporter en les réduisant à une image prisonnière de son cadre. On apprendra qu'ils ont été condamnés à errer pour l'éternité dans la Zone Fantôme.
“ Il s'agit d'une autre dimension ressemblant à un vide spatial, où les condamnés de Krypton et des autres planètes étaient envoyés, et s'y retrouvaient réduits à l'état de spectre pour errer durant une période de temps déterminée par les juges. Elle a été découverte par Jor-El le père de Superman (Kal-El), qui est un très grand scientifique de la planète Krypton.
Dans la Zone Fantôme, le temps est figé : les prisonniers ne vieillissent pas, ne peuvent mourir mais sont intangibles. ”
L'idée de Richard Donner est astucieuse. Elle lui permet d'économiser un vaisseau ou un dispositif complexe pour expédier les révolutionnaires dans la Zone Fantôme, comme de concevoir un décors susceptible de lui donner forme. Une seule surface, un seul cadre vaut comme prison. Difficile de ne pas faire le lien avec notre expérience de spectateur. Si l'image équivaut à une prison à l'intérieur de laquelle l'animation est possible, mais le vieillissement interrompu, alors cet outil de capture est un film dans le film et toute projection cinématographique nous place derrière la vitre du parloir d'une dimension à laquelle nous avons accès sans cependant pouvoir interagir avec elle. Tant que le film sera en circulation, Marlon Brando prononcera le même jugement. Il n'y aura pas de révision possible du procès de Sarah Douglas, Jack O'Halloran et Terence Stamp. Ils seront bien les condamnés à perpétuité d'une errance dans un monde parallèle, au même titre que tous les autres protagonistes du film, Marlon Brando compris.
On se demande d'ailleurs si à travers les trois rebelles intégralement de noir vêtus, le Marlon Brando/Jor-El de 1978
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| Image du film Superman de Richard Donner, 1978 (Le général Zod, Non et Ursa) |
ne juge pas le Marlon Brando/Johnny Strabler de 1953, celui de L'équipée sauvage. Si le Brando réactionnaire ne juge pas le Brando dissident. Le général Zot ne lui rappelle t-il pas qu'il n'a pas toujours été en accord avec le conseil ?
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| Image de "The Wild One" (L'équipée sauvage), László Benedek, 1953. / Kobal / The Picture Desk / AFP |
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| Johannes Gumpp, Autoportrait, 1646, huile sur toile, Galeries des Offices |
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| Johannes Gumpp, Autoportrait, 1646, huile sur toile, Collection privée |
À défaut d'autorité critique capable de réguler l'emprise des égos sur le jugement, il faut organiser la circulation des reflets, donner une place au spectateur/juré à partir de laquelle il pourra exprimer une position, il faut susciter des vocations d'avocat, échapper au tribunal de Marlon Brando.







