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| Clodomir et Marguerite, 65x54 cm, acrylique sur toile, 2018, collection privée © guillaume pinard |
vendredi 7 décembre 2018
Amour
mercredi 5 décembre 2018
Une image d'occasion
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| Étienne, dessin mural au fusain 300x300 cm, vue de l'exposition Héri[T]ages à l'Ar[T]senal, Dreux, 2018, © Stéphane Auvard |
Quelques semaines après que l'exposition Héri[T]ages à l'Ar[T]senal de Dreux à laquelle je participais ait commencée, j'ai découvert une association d'images sur Facebook relative à un de mes dessins qui a parfaitement concrétisée une idée que je m'étais déjà formulé sur ce travail sans jamais la présenter clairement.
Comme pour les précédentes reprises d'œuvres anciennes au fusain, mon
choix a été le résultat d'une prospection dans le patrimoine culturel
de la ville de Dreux, mais pour la première fois, je me suis arrêté sur
un volume plutôt qu'un plan. Pour la première fois aussi, l'auteur de
cette œuvre était anonyme. Je dois avouer que je me suis laissé
influencer par Lucile Hitier, la directrice de l'Ar[T]senal qui n'avait
pas caché son intérêt pour l'art religieux et s'était étonnée que je
n'aie pas dessiné de sculpture auparavant. Sans me sentir obligé par les
allusions ou commentaires de mes hôtes, je tiens désormais ces éléments
comme des informations nécessaires à traiter dans le lot des critères
qui m'aident à trouver un candidat pour ce travail. En minimisant mon autorité dans la décision, cette expérience a confirmé que c'est bien la réduction des critères
personnels qui rend l'apparition du dessin absolument nécessaire. L'abandon de certaines règles que je croyais être conditionnelles à l'exercice de cette pratique désormais bien réglée a aussi apporté de l'air dans la machine.
Le
1er juin 2018, Stéphane Auvard, qui conduisait des visites dans
l'exposition a donc posté sur son compte Facebook un montage de deux images qui a retenu mon attention.
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| Capture d'écran d'une double image posté par Stéphane Auvard sur son compte Facebook le 1er juin 2018, © Stéphane Auvard |
Si j'avais vu le chapiteau sur pièce au musée d'art et d'histoire de Dreux, c'est à partir d'une image trouvée sur internet que je l'avais conçu. Stéphane Auvard a fait le travail inverse. Il a associé le dessin à une photographie différente de ma source, mais dont le point de vue est identique. Son montage semble indiquer que l'image du chapiteau original est seconde, comme un mouvement de vérification sur pièce obligeant le spectateur à orienter son regard. Ce mouvement indique exactement ce que je cherche à induire. Je souhaite que mes dessins soient des " images premières ". Je veux inverser le rapport entre une réalité et sa représentation. Ou plus exactement - comme je l'ai déjà signalé dans ce blog - je veux obliger à voir une réalité depuis le point de vue d'une image de cette réalité. C'est la magie du plan. À condition que cette apparition occasionnelle (qui se manifeste selon une chaîne d'évènements aléatoires et contingents) soit temporaire et ne se transforme pas en monument, qu'elle ne redouble pas la pérennité de l'objet, son déploiement inaugure une visibilité et formule sa promesse.
Sans être aussi fugace qu'un coup d'œil, la représentation doit s'avérer dans cette intensité. Elle doit être précaire.
C'est ce qui m'avait fasciné dans cette empreinte retrouvée sur le dessin Pierre évoqué dans un post précédent.
Un spectateur tourne le dos à l'image, dépose la trace de son passage et détruit le dessin au moment même où il regarde dans la bonne direction. Magnifique raccourci.
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| Trace sur le dessin Pierre, 2013, © Guillaume Pinard |
lundi 26 novembre 2018
Déjà-vu
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| Autoportrait en Chose, 30x30 cm, acrylique sur toile, 2018, © guillaume pinard |
Le 16 novembre 2018, à 23h45,
j'ai posté sur mon compte Facebook, l'annonce d'une conférence que
j'allai donner à la bibliothèque de la Part-Dieu dans la ville de Lyon
quelques jours plus tard. Le 17 novembre, à 3h48, un ami a commenté " Fait une petite minute de silence pour Stan Lee avant de commencer la conf ". À 12h59,
j'ai répondu " J'ai prévu de me transformer en Chose dans le premier
quart d'heure, je pense que l'auditoire reconnaîtra l'hommage ". Le 18 novembre, j'ai posté ce tableau.
J'ai donc pris mon idée au sérieux. J'ai peint mon portrait, puis je l'ai progressivement métamorphosé dans la forme du mutant : la Chose.
Contrairement à ses trois acolytes - avec lesquels il
constitue le groupe des 4 Fantastiques - Benjamin Grimm a la particularité de ne pas maîtriser sa transformation. Son identité est définitivement ensevelie sous la pierre. C'est sa tragédie. Il a perdu son visage.
Comme lui, sous la couche de peinture, mon portrait demeure caché.
En le peignant, j'ai réalisé que mon portrait d'adulte s'était fait
recouvrir par une image de mon enfance, que cette image ancienne, ce
visage de pierre, cette chose m'enveloppait. Ma Chose sourit. L'horreur de Benjamin Grimm n'est pas la mienne. Mon masque n'est pas une prison, mais un appareil de vision, de pré-vision.
Dire que la peinture est un lieu de transformation, de métamorphose n'est pas suffisant. Il faut ajouter que ce mouvement doit se formuler comme une promesse. Il doit conjuguer les temps. La nouveauté doit être enveloppée dans une image ancienne : un déjà-vu. C'est à ce prix que l'image peut être inaugurée, pensée.
Dans
les peintures qui me retiennent, les figures donnent toujours le
sentiment de venir de très loin et cependant d'avoir déjà une place en
moi lorsque je les rencontre, comme si j'étais leur contre-forme, un
recueil où peut se dévoiler la clameur inédite de leur présage.
Peut-être est-ce la raison pour laquelle j'aime voir l'image de la peinture avant l'original. L'image doit précéder sa matrice et la recouvrir au moment du contact pour révéler la matière de sa prédestination.
jeudi 12 juillet 2018
Une classification ne fait pas un monde
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| Le contrat, 50x61 cm, acrylique sur toile, 2018, collection privée © guillaume pinard |
Si je devais désigner un livre qui a structuré mon esprit et mon imaginaire, ce serait le dictionnaire et en premier lieu le petit Larousse illustré.
Mes connaissances et mon rapport au monde ont été entièrement conditionnés par les dictionnaires. J'ai pris cette représentation du monde très au sérieux. Durant toute mon enfance, il m'a semblé que ce système coïncidait parfaitement avec le monde lui-même, au point que la réalité semblait en sortir pour l'animer et le donner en exemple. Mais un jour, j'ai découvert que certains mots ne s'y trouvaient pas. Le trouble a commencé avec les mots. Les images et leurs approximations ont suivi de très prêt. Et la consistance du monde, son organisation, celle par laquelle je le regardais s'est peu à peu fissurée, déstructurée, insinuant un rapport biaisé au langage. Je ne me suis plus intéressé qu'au masque de la langue, à sa grimace. Ce syndrome a longtemps impliqué pour moi deux conséquences possibles :
La première : continuer d’errer dans la langue pour constater que cette machine qui a l’ambition d’embrasser toute la réalité du monde expose mieux le vide qui sépare ses termes, que la pertinence de ses définitions. Aussi, puisque le cœur du monde y apparaît comme majoritairement vide, toute quête de sens s'y éprouve comme une traversée du désert ; une traversée où le langage est condamné à jouer le rôle d'un voile pudique sur l’obscénité de la séparation.
Dans cette version du langage, on enfile les termes comme un touriste enfile les capitales. On n'y cherche pas l'expérience, mais la vérification, la coïncidence entre une classification et son terrain. On ne saisit rien, même si la séquence - en trompe l’œil - donne l'impression de dérouler un récit.
La seconde : faire le deuil du monde et choisir de combiner indéfiniment et aléatoirement les termes pour former et déformer un récit mondain possible - à l’épreuve du récit de tous les autres qui manipulent les mêmes cartes - dans l’espoir de s’y inventer un corps. Une seconde hypothèse où des scénarios se succèdent sans hiérarchie, comme les combinaisons d'un jeu de hasard. Cette voie implique un espace de signification intensif où la simultanéité et la réversibilité des termes est sans cesse maintenue pour éviter la crampe. C'est un projet qui consiste à varier pour écumer. Au bout de ce chemin, on ne trouve plus que des exceptions et plus aucun moyen d'élaborer ses relations.
Ces deux voies sont également désespérantes. Hors sol.
Cette peinture désigne ce trouble. Elle montre la démesure d'un chant qui exige que l'humain quitte son bureau et participe à une nouvelle économie des signes.
mardi 29 mai 2018
Comment se faire des amis lorsque l'on est un fantôme ?
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| Casper, 19 x 24 cm, acrylique sur toile, 2016, collection du Frac Bretagne © guillaume pinard |
Mais revenons à notre sujet. Casper est le fantôme d'un enfant à l'accent new-yorkais qui habite une maison abandonnée et hantée par un groupe de fantômes adultes qui se plaisent à terroriser les habitants de la ville voisine. On est d'ailleurs frappé de constater qu'au sortir de la seconde guerre mondiale, ces fantômes se déplacent comme des avions de guerre en escadrille et qu'ils fondent sur la ville en kamikazes pour traverser leur cible. Casper, quant à lui ne veut pas faire peur. Il est navré par l'esprit belliqueux de ses condisciples et n'aspire qu'à se faire des amis. L'entreprise se révèlera périlleuse dans un monde où les fantômes inspirent la terreur. C'est le drame et la question de Casper, une question qui deviendra le motif récurant de ses aventures : comment se faire des amis lorsque l'on est un fantôme ?
Je tourne autour de ce pot depuis presque 10 ans et si cette question n'a pas la force d'une révélation dans mon parcours, elle remet quelques morceaux éparses en ordre et projette leur mouvement dans la bonne direction. Elle indique surtout un point de vue plus opérant. Je veux essayer ici de faire une rapide chronologie de la construction de cette question.
En 2010, j'ai été invité à participer à l'exposition collective Fantasmagoria au Musée des Abattoirs à Toulouse. Je crois que Pascal Pique, le commissaire, pensait alors que j'orienterai ma proposition dans le sens des films d'animation que je réalisais jusque-là, des films dont il avait d'ailleurs déjà présenté une sélection (le cycle Tetraphobie) dans ce même musée en 2006 et dont le caractère fantasmagorique laissait peu de doutes. Mais la flamme qui motivait ce travail s'était éteinte depuis quelques mois et je voulais aborder le problème par une autre voie.
Ce désir a été accéléré par un évènement tragique. Une adolescente de ma famille est morte dans un accident de voiture durant ma période de réflexion. Elle se prénommait Fanny. Durant les semaines qui ont suivit sa mort, elle est venue me visiter en rêve à plusieurs reprises et il est devenu évident que ma participation à cette exposition devait formuler une réponse à cette interpellation. Une salle du musée m'était consacrée. J'ai réalisé un dessin mural au fusain qui représentait un grand rideau. Ce rideau entourait la salle, si bien que nous entrions dans la pièce comme sur une scène. Je n'avais conservé que l'éclairage de service et il fallait quelques minutes pour s'acclimater à cette faible luminosité et voir les plis se dessiner sur la matière veloutée du fusain déposé à fleur de mur. J'ai tout de suite su que ce dessin ne devait pas être fixé, que cette chapelle provisoire (le motif de la draperie était inspiré du trompe l’œil qui habille la base de la chapelle Sixtine) devait manifester la consistance d'une membrane sensible. J'ai senti ce décor comme un écrin pour accueillir l'esprit de la chère disparue, autant qu'une surface où son visage pouvait apparaître dans la complexité des plis que formaient les arabesques de ce grand drapé. Je l'ai conçu comme un observatoire, une zone de contact. J'ajoute que les 12 jours que j'ai passés pour étaler et former le charbon sur les murs de mon espace d'exposition s'est avérée être une période vertigineuse durant laquelle j'ai oscillé entre les deux faces de la surface. Jamais je n'ai crû vraiment pouvoir basculer de l'autre côté, mais j'ai senti le pouvoir de tenter les profondeurs à affleurer et me toucher la main. L'étrangeté technique de ce rideau a attiré la curiosité tactile des visiteurs. Ils ont laissés des traces. Ainsi, pendant toute la durée de l'exposition, j'ai offert cette surface vivante à Fanny pour qu'un lieu continue à vibrer entre elle et les vivants. Lorsque le dessin a été effacé, j'ai compris l'importance de refermer la porte. Pas de monument. Pas de mausolée. L'apparition de cette surface, sa fragilité de consistance ne devait pas concourir non plus à la ruine. Le dialogue avait pu continuer, mais il fallait l'interrompre avant l'usure et lui proposer une métamorphose pour se renouveler.
Cette expérience a eu des conséquences déterminantes sur la suite de mon travail. De nombreux dessins muraux ont suivi. Et, s'il n'était plus question de garder le contact avec Fanny, ce mouvement a néanmoins consisté à maintenir une porte entrebâillée entre deux mondes.
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| Rideau !, 350 x 3600 cm, dessin mural au fusain, Vue de l'exposition , Les Abattoirs, Toulouse. 2010, © guillaume pinard |
lundi 23 avril 2018
Repentir
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| Sœurs, 24 x 19 cm, acrylique sur toile, 2018, collection privée © guillaume pinard |
Madeleine et Mary Collinson sont célèbres pour avoir été les premières vraies jumelles employées comme Playmates. C'est dans le numéro d'octobre 1970 du célèbre magazine Playboy qu'elles sont apparues pour la première fois.
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Madeleine et Mary Collinson |
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| Nina Childress — twin beds — 2017— huile sur toile — 60 x 73 cm |
Lorsque j'avais choisi ce tableau pour en faire un dessin mural, plusieurs conditions avaient alors présidé à ce choix : Gennevilliers d'abord, cité de peintres impressionnistes dont je souhaitais rappeler l'histoire sans sombrer dans le cliché, ensuite la conscience que je n'avais pas encore travaillé à partir de l'œuvre d'une femme peintre et qu'il était temps de corriger ce défaut ; et enfin, l'indolence enfantine d'une fillette vautrée sur un fauteuil cossu dont j'imaginais la portée de l’agrandissement.
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| Mary, Dessin au fusain, 300 x 400 cm. Vue de l'exposition « .doc», une proposition du label hypothèse, galerie Édouard-Manet, Gennevilliers, 2013
© Guillaume Pinard
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| Mary Cassatt, Portrait d’Alexander Cassatt et son fils, Robert Kelso Cassatt, huile sur toile, 100.3 × 81.3 cm, 1884, Philadelphia Museum of Art |
vendredi 9 mars 2018
Pour salir le perron
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| Le méchant, 50 x 50 cm, acrylique sur toile, 2017, collection privée © Guillaume Pinard |
D’affamés nuages hésitent sur l’abîme.
Jadis débonnaire et par un périlleux sentier,
L’homme juste s’acheminait
Le long du vallon de la mort.
Où la ronce croissait on a planté des roses
Et sur la lande aride
Chante la mouche à miel.
Alors, le périlleux sentier fut bordé d’arbres,
Et une rivière, et une source
Coula sur chaque roche et tombeau ;
Et sur les os blanchis
Le limon rouge enfanta.
Jusqu’à ce que le méchant eût quitté les sentiers faciles
Pour cheminer dans les sentiers périlleux, et chasser
L’homme juste dans des régions arides.
À présent le serpent rusé chemine
En douce humilité,
Et l’homme juste s’impatiente dans les déserts
Où les lions rôdent.
Rintrah rugit et secoue ses feux dans l’air épais ;
D’affamés nuages hésitent sur l’abîme.
Pendant deux mois, j'ai travaillé sur cette exposition dans une mauvaise direction et j'ai changé de cap quelques semaines avant le vernissage. Cet autoportrait est la seule peinture qui a résisté à ma nouvelle orientation et qui fut présenté dans l'exposition.
Le premier scénario m'avait fait peindre les différents motifs de ce texte (Rinthra rugit, affamés nuages, périlleux sentier, etc.) en les traitant dans des registres différents. Mon autoportrait avait le rôle du méchant. Il a gardé ce titre.
Dans cette poésie, il est difficile de savoir si l'homme juste et le méchant sont deux personnes différentes ou bien les deux faces d'une même figure qui versent l'une dans l'autre au fil d'une poésie structurée comme une boucle.
En plaçant le méchant de ce côté de la surface du tableau, le spectateur pouvait imaginer être du bon côté de la barrière, mais mon regard était manifestement concentré vers une toute autre direction.
J'ai peint énormément de visages qui regardent intensément le spectateur. Je crois que j'aime l'interpeller, le fasciner en même temps que je veux le repousser, ou plutôt le tenir à une distance raisonnable, juste devant le tableau, tout prêt, à fleur de toile. Mes volte-face incessantes dans la pratique relèvent du même dessein. Un travail homogène prendrait le risque de voir ses spectateurs s'y installer pépères, sans plus de vigilance, sans plus de nerfs.
En me représentant, je ne voulais pas prendre le risque de la connivence, du clin d'œil ou de l'aveu et déroger à mon programme. Il fallait absolument que je sois le méchant dans une peinture indifférente à son public ; qu'une fois encore, je laisse tout le monde à la porte du tableau.
C'est la bonne occasion pour expliquer maintenant l'intitulé de ce blog.
Il est issu de ce passage du livre de Franz Kafka Le château.
“ K. s'aperçut que tout le monde attendait Erlanger. Erlanger était déjà là, mais conférait encore avec Momus en attendant de recevoir les gens. La conversation générale traitait de l'obligation où l'on se trouvait d'attendre dehors dans la neige au lieu d'entrer dans la maison. Il ne faisait pas très froid, mais c'était tout de même un manque d'égards que de laisser en pleine nuit les gens attendre devant la maison pour des heures peut-être encore. Ce n'était sans doute pas la faute d'Erlanger qui était très accueillant, ignorait la situation, et fût certainement fâché si on la lui avait apprise. C'était la faute de l'hôtelière qui, maladivement avide de distinction, ne voulait pas tolérer que les gens entrassent en trop grand nombre à la fois dans l'hôtel.
- S'il le faut, s'ils doivent entrer, disait-elle souvent, alors, pour l'amour de Dieu, que ce soit l'un après l'autre !
Et elle avait fini par obtenir que les gens, qui allaient d'abord dans le couloir, puis dans l'escalier, puis dans le vestibule et finalement dans la salle de café, fussent refoulés dans la rue. Et elle n'était pas encore satisfaite ! Elle trouvait insupportable, pour employer son expression, d'être constamment "assiégée" dans son propre logis. Elle n'arrivait même pas à comprendre pourquoi les gens venaient. "Pour salir le perron", lui avait dit un jour, probablement dans un moment d'irritation, un fonctionnaire qu'elle questionnait ; mais elle avait trouvé ce motif lumineux et elle aimait à le citer. ”
Comme mes peintures, j'espère que ce blog aura la force d'obliger un peu ses lecteurs à salir le perron.
jeudi 8 mars 2018
Les métamorphoses de Tom Cruise
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| Vioc, série Les métamorphoses de Yan' Dargent, 24 x 19 cm, acrylique sur toile, 2014, collection privée © Guillaume Pinard |
" Esprit brillant, il excella surtout dans la satire, n'épargnant aucun lieu commun ni aucune des croyances ou superstitions de son temps. Ses contemporains le considéraient comme athée et Diogène Laërce le comptait parmi les Sophistes. Il est considéré comme le fondateur du genre littéraire de la diatribe qui servit utilement la diffusion de la philosophie populaire. Il entreprit d'accommoder le cynisme à l'hédonisme de Théodore de Cyrène. Il prit violemment parti contre les pratiques religieuses et enseigna que la mort amène l'anéantissement de l'âme." Wikipédia
« De même qu’il faut, pour le bon acteur, bien jouer son rôle quel que soit celui que lui ait attribué le poète, de même pour l’homme de bien, quel que soit celui que lui ait attribué la Fortune. C’est elle en effet qui, telle une poétesse, attribue tantôt un premier rôle, tantôt un second rôle ; tantôt un rôle de roi, tantôt un rôle de mendiant. Ne t’avise donc pas, si tu es le second rôle, de vouloir le premier rôle : si tu t’y risques, ta prestation sera inappropriée»
À cette époque, j'en reste là.
Puis, en 2016, je suis invité à produire une exposition personnelle au Quartier, centre d'art contemporain de Quimper. C'est la prochaine publication de mon livre Amor, (sur lequel je travaille donc depuis 2 ans) qui est à l'origine de ce projet. L'exposition s'intitulera Un trou dans le décor. Une partie de cette exposition évoquera la figure d'un peintre et illustrateur breton de la deuxième moitié du XIXe siècle : Yan' Dargent.
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| Les métamorphoses de Yan' Dargent, 30 x 20 x 15 cm, techniques mixte, 2016, collection privée © Guillaume Pinard |
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| Vue d'exposition à l'Artothèque les Arts au Mur de Pessac, 2017, Photo : Gaëlle Deleflie. |
Alors quoi ? Et bien, après 4 ans à mon service - dans des rôles aussi différents qu'un penseur grec de l'antiquité, un vioc, un artiste breton du XIXe siècle, ou un anonyme au milieu d'une foule, sans que jamais sa véritable identité n'ait pu être suspectée - je peux conclure que Tom Cruise est vraiment un brillant acteur.
lundi 5 mars 2018
Le mur du fond
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| Feu, 24 x 19 cm, acrylique sur toile, 2015, © Guillaume Pinard |
“ La fête de la Saint-Jean, traditionnellement accompagnée de grands feux de joie, est la fête de Jean le Baptiste, le 24 juin. Elle est proche du solstice d'été dans l'hémisphère nord, qui a lieu le plus fréquemment le 21 juin. Le solstice d'été est fêté depuis longtemps. L'origine de cet événement est lié au culte du soleil. Les feux de solstices étaient à l'origine des fêtes païennes. L'Église catholique a ensuite christianisé la pratique païenne, selon sa politique traditionnelle. ” Wikipédia
En 2016, j'ai décidé de reproduire sur le mur de mon exposition Du Fennec au Sahara à la chapelle du Généteil à Château-Gontier ce petit tableau dans des dimensions monumentales.
Il y avait une signification ambivalente à allumer un feu dans une ancienne chapelle. Cette palpitation entre le vandalisme et le sacré me convenait. Je me demande au fond si cette peinture murale n'était pas un énorme vortex dans lequel toutes les œuvres présentées dans l'exposition devaient finir par s'abîmer.
Si mes présentations sont toujours fractionnées par de nombreux éléments, je n'aime pas pour autant laisser bâiller la porte.
Lorsque je réfléchis à l'accrochage d'une exposition, je prends toujours grand soin du " mur du fond ". Je n'entends pas strictement par " mur du fond " celui qui se trouve au bout de l'espace d'accrochage, mais un mur sur lequel toutes les germinations de la présentation vont s'agréger pour former une sorte d'alchimie, où l'expérience de la visite va aboutir et le regard du spectateur se métamorphoser.
J'imagine mes expositions comme des grottes préhistoriques (on sait que les hommes préhistoriques vivaient sur le seuil des cavernes, réservant " le mur du fond " aux rituels chamaniques). Mon problème consiste donc en grande part à transformer le visiteur pour qu'il passe de la danse à la transe, que son chemin l'oblige à ralentir le pas et à lever la tête.
Je veux qu'il quitte la rue pour faire l'expérience d'une modification.
Il arrive par moment que cette expérience aille au-delà de mes espérances.
samedi 3 mars 2018
Un os à désirer
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| La diligence, 70 x 50 cm, acrylique sur toile, 2015, © Guillaume Pinard |
Après avoir choisi mon titre, j'ai - comme à l'accoutumé - essayé d'exhausser la promesse que j'avais formulée.
J'ai commencé par peindre une carriole au milieu d'un fond rose sable, une carriole abandonnée dans un désert. Un esprit canin s'est alors manifesté et la carriole est devenue le visage de son intériorité, grâce à laquelle l'esprit du chien a trouvé son mobile, le véhicule de son désir, par quoi il a conçu un os à désirer.
Ce tableau révèle ma tendance à l'animisme. Peindre ou dessiner, former des êtres n'est pas chez moi dépourvu de magie, du besoin d'entretenir une relation avec des êtres humains ou inhumains. Tout me regarde et je veux, motif après motif, pouvoir être absorbé par ce regard. La peinture est un bon outil pour remarier des éléments que la pensée a séparé. Si je demande aux spectateurs de mes expositions de relier des éléments distincts, c'est parce que je crois qu'une seule énergie relie tous les êtres animés ou inanimés ; une énergie qui ne m'appartient pas en propre, mais dont je souhaite être le modeste témoin.
vendredi 2 mars 2018
Madeleine Brissou
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| La rencontre, 30 x 30 cm, acrylique sur toile, 2015, collection privée © Guillaume Pinard |
Au musée des Beaux-Arts de Rennes et entre autres merveilles il y a un petit tableau de Pablo Picasso issu d'un de ses séjours à Dinard. Ce tableau a tout pour me plaire. Il est de petite taille. Il représente une femme nue qui joue sur la plage et exhibe son intimité sans pudeur. Il semble avoir été peint rapidement. Sa composition est simple, mais d'une efficacité redoutable. Bref, de cette œuvre, se dégagent une joie et une liberté communicative et salvatrice. Voilà des sentiments que j'aime voir émaner d'une peinture.
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| Baigneuse, 24,5 x 35 cm, huile sur toile, 15 août 1928, Pablo Picasso, Musée des Beaux-Arts de Rennes |
Quelque temps plus tard, je découvre le film de Woody Allen Minuit à Paris sorti en 2011.
Je rappelle ici l'histoire. Un résumé glané sur Wikipédia.
" Gil (Owen Wilson) et Inez (Rachel Mc Adams) sont deux jeunes fiancés américains préparant leur mariage. Ils passent quelques jours à Paris, accompagnant les parents d'Inez venus en France pour affaires. Alors que Gil est sous le charme de la capitale française et envisage de s'y installer, ni sa promise, ni ses futurs beaux-parents ne l'apprécient outre mesure. La rencontre inopinée avec un autre couple américain dont le mari est un ancien flirt d'Inez, suffisant et imbuvable, va contribuer à éloigner un peu plus les jeunes fiancés.
Gil parcourt la ville à la recherche de l'inspiration pour son prochain roman et, alors que les douze coups de minuit ont sonné, il est invité à monter dans une vieille voiture qui va l'emporter vers le Paris des années 1920. Au fil des nuits, il va alors rencontrer Zelda et F. Scott Fitzgerald, Cole Porter, Ernest Hemingway, Juan Belmonte, Gertrude Stein, Pablo Picasso, T. S. Eliot, Salvador Dalí, Luis Buñuel, Man Ray, Henri de Toulouse-Lautrec, Henri Matisse… Il va peu à peu tomber amoureux d'Adriana (Marion Cotillard), qui est alors l'égérie de Picasso après avoir été celle de Modigliani. "
Dans son deuxième voyage à travers le temps, Gil se retrouve chez Gertrud Stein. Elle polémique avec Pablo Picasso sur le sens d'une de ses dernières peintures. Et quelle peinture ? Notre peinture ! La baigneuse du 5 août 1928 ! Mais surprise, le format de la peinture a changé. Nous sommes passés - à vue d'oeil - d'un châssis 5P (24 x 35 cm) à un 25P (60 x 81 cm).
On se demande pourquoi la décoratrice Anne Seibel et/ou Woody Allen ont choisis un si petit tableau pour finalement le reproduire en si grand. Oui, il passe mieux à l'écran dans ce format, mais l'œuvre de Picasso est assez riche en tableaux de baigneuses ou de femmes nues pour en trouver un qui réponde aux besoins de la scène. Et puis les commentaires de ce Picasso d'opérette sur son tableau sont 100% fictionnels. Il prétend avoir peint le portrait d'Adriana (Marion Cotillard). Or, Adriana n'a jamais existé. Elle ne correspond à aucune amante connue de Picasso. Si ce tableau devait représenter une de ses maîtresses, ce serait Marie-Thérèse Walter dont il tombe amoureux en 1927, mais qui ne vient à Dinard qu'en 1929. La photo que Picasso prend d'elle en 1929 est d'ailleurs peut-être un moyen d'exhausser le fantasme de sa peinture de 1928. Bref, admettons la fiction et le rêve du voyageur dans le temps et autorisons à Woody Allen toutes ces libertés d'auteur.
| Marie-Thérèse Walter on the beach at Dinard, summer 1929. Photograph by Picasso, Collection Maya Widmaier Picasso |
Madeleine Brissou ? On vient déjà de faire l'effort d'accepter Adriana comme amante fictive de Picasso et maintenant, il faut avaler Madeleine Brissou ? Ok, Pablo Picasso a peint une Madeleine aux alentours de 1904. Elle fut sûrement sa maîtresse. Mais en 1904 et pas en 1928 ! Et elle ne s'appelait pas Brissou ! Alors d'où sort cette Madeleine Brissou ? Et bien de l'imagination de Woody Allen, au même titre qu'Adriana dont elle est certainement le pendant imaginaire dans le monde présent. Pourquoi Woody Allen a t'il décidé d'inventer cette identité fictionnelle au milieu de tous ces personnage historiques ? Je ne comprends pas. Par contre, je suppose que le choix du tableau a été motivé par les frais de reproduction de l'œuvre à l'écran. Ils sont exorbitants pour des artistes de ce calibre et le choix de ce tableau moins connu a dû rendre l'ardoise acceptable.
Que les raisons soient acceptables ou pas, j'aime que la taille originale d'un tableau puisse finir par nous échapper. En raison de la multiplication des reproductions sur internet, cette tendance se généralise. Les dimensions, mais aussi le titre et la date de réalisation, voire son attribution sont désormais soumis à caution. Cette image publiée sur iphotoscrap en témoigne qui entérine la fiction de Woody Allen.
Où celle-ci, publiée sur un site culturel espagnol qui indique une date de réalisation erronée.
On pourrait multiplier les exemples...
Il me plait d'enquêter pour remonter la piste du tableau original et accéder à son coffre-fort, d'enfiler les pièces à conviction pour finalement découvrir - comme pour les chaudrons aux pieds des arcs-en-ciel - que ces coffres n'existent pas ; qu'il n'y a pas de secret caché au cœur des œuvres d'arts, mais une capacité chez elles à produire une animation parasitaire, à propager une rumeur, un écho, une illusion propre à nous fasciner. Si l'on débarrasse l'œuvre d'art de ce nuage, de ce bruit de fond, si la connaissance n'est pas à la hauteur de ce papillonnement, l'œuvre se raidit et son mystère flétrit.
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| Cartes postales qui reproduisent mon tableau La rencontre, 2016 © Guillaume Pinard & Galerie Anne Barrault |
mercredi 28 février 2018
Muchas gracias Yvan
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| Muchas gracias, 120 x 100 cm, acrylique sur toile, 2016, © Guillaume Pinard |
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| Yvan Lendl |
Aussi, lorsqu'en 1989, le jeune Michael Chang, 17 ans, alors inconnu du public battit le numéro 1 mondial en quart de finale de Roland Garros avec un jeu d'une invention et d'une audace inédites, nous - les spectateurs esthètes - nous sommes sentis vengés. Mais c'était le chant du cygne d'une époque. Certes, cette année là, Michael Chang est devenu le plus jeune vainqueur des internationaux de France, mais par la suite, son jeu s'est vite standardisé pour s'adapter à l'air du temps. La méthode Lendl s'était imposée. Les bodybulders avaient envahi les cours de tennis et l'ennui s'était installé dans les tribunes. Cet ennui a duré des années. Jusqu'à ce que cette progression athlétique et technique se stabilise et que la singularité redevienne un élément constitutif du jeu.
Lorsque j'ai commencé cette peinture, je voulais donc faire un portrait d'Yvan Lendl. Je voulais montrer le visage d'un des papes de la professionnalisation. Mais mon tableau a dégénéré. Le héros a pris du poids, une grosse moustache, une large chevelure et sa peau s'est halée. De la froideur d'une machine à gagner des matchs, je suis passé à un personnage bonhomme qui évoque plus l'hémisphère sud que l'Europe centrale. On ne se refait pas.
Et finalement, en faisant des recherches sur le sportif, qu'est-ce que je découvre ? Qu'Yvan Lendl est un collectionneur d'art ? Qu'il possède la plus importante collection privée d'affiches et panneaux décoratifs consacrée à l'affichiste et peintre tchèque Alfons Mucha ? Qu'il a commencé sa collection au tout début des années 80 ? Argh... Décidément, ce monde n'est vraiment pas simple. Muchas gracias Yvan !
Bébé pépé
Bébé pépé, 2023, Acrylique sur toile, 40x30, ©guillaume pinard À plusieurs reprises, il m'est arrivé de prendre des poupées comme modèle...
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Bébé pépé, 2023, Acrylique sur toile, 40x30, ©guillaume pinard À plusieurs reprises, il m'est arrivé de prendre des poupées comme modèle...
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La rencontre , 30 x 30 cm, acrylique sur toile, 2015, collection privée © Guillaume Pinard Au musée des Beaux-Arts de Rennes et entr...
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Main gauche angélique à l'annulaire rachitique , 2022, acrylique sur toile, 40 x 40 cm, ©guillaume pinar d La main du diable est un fil...
































