lundi 26 février 2018

Histoire sans suite

Coutelas, 19 x 24 cm, acrylique sur toile, 2016, © Guillaume Pinard


Apparu en 1969 dans le journal Pif Gadget, Rahan est la création du scénariste Roger Lécureux et du dessinateur André Chéret.

Si je suis le contemporain de ce héros et que j'ai lu ses aventures avec passion lorsque j'étais enfant, il y a rétrospectivement des rapprochements à faire entre le comportement du fils des âges farouches et le mouvement de mon projet artistique, des rapprochements qui dépassent le seul attachement sentimental à une lecture d'enfance. J'insisterai ici seulement sur un problème de navigation.

Signalons d'abord qu'il est impossible de reconstituer une géographie de ses aventures, de savoir exactement où se déroule l'action ; et puisqu'il évolue dans une préhistoire fantasmée, farcie d'anachronismes, il est tout aussi impossible de savoir à quelle période elles ont eu lieu. Si l'on ajoute à cela que Rahan est orphelin, qu'il n'a ni femme, ni enfants, qu'il ne possède qu'un slip, un collier et un couteau, il est le modèle du personnage minimum jeté dans l'océan du récit. D'ailleurs, il parle de lui à la troisième personne, comme s'il n'était pas directement concerné par ses aventures. Une parole qui se confond étrangement avec le récitatif du narrateur.

En réalité, Rahan est le relecteur de l'histoire des autres. Il est le type sans histoire qui passe son temps à corriger les fautes dans le déroulement du récit des tribus qu'il croise, sans jamais imaginer qu'il puisse en faire partie. Ses corrections vont toujours dans le sens de la clarté et de l'apaisement, contre l'ignorance, le mensonge, la dissimulation et toutes les mystifications, mais il ne tire aucun profit de ses actions, il ne thésaurise pas sur ce capital. Une fois qu'il a fait le ménage, il s'en remet aux lois du hasard en suivant la direction que lui indique un coutelas en ivoire de mammouth qu'il fait tourner sur le dos d'une pierre comme une boussole. Il fait penser aux censeurs romains qui avaient pour mission d'assurer l'ordre dans la cité sans jamais être obligés de rendre des compte sur leurs actions.

Voiture balais de la narration, le destin de Rahan consiste seulement à faire le ménage dans tous les récits qu'il croise, de les épuiser et de les classer sans suite. Son trajet ne passe jamais deux fois par la même case.

Bébé pépé

Bébé pépé, 2023, Acrylique sur toile, 40x30, ©guillaume pinard À plusieurs reprises, il m'est arrivé de prendre des poupées comme modèle...