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| P.T.T, acrylique sur toile, 19 x 24 cm, 2011 © Guillaume Pinard |
En 2011, j'ai réalisé une exposition au Centre d'Art Contemporain Le Parvis à Pau intitulée Service Public. Sans revenir en détail sur l'objet de cette exposition - dont je rappelle seulement qu'elle se déroulait pendant une période électorale : les présidentielles de 2012 - j'avais envisagé de peindre quelques objets mythiques de l'histoire récente des services publics français. La Renault 4 fourgonnette jaune de La Poste est assurément un de ses emblèmes. Elle fut en service entre 1962 et 1988, jusqu'à ce que l'utilitaire Express Renault la remplace. Toute personne qui a vécu en France pendant cette période connait ce véhicule.
En 2015, je décide de présenter à nouveau cette peinture (avec une centaine d'autres) au centre d'art Le Carré à Château-Gontier dans une exposition personnelle intitulée Du Fennec au Sahara. Pendant le vernissage de cette exposition, un septuagénaire vient timidement me voir afin d'avoir des explications sur une des peintures exposée. Puisque l'exposition est pleine de représentations scabreuses, je m'attends à engager un débat compliqué sur les ressorts de mon imagination, mais à ma grande surprise il me conduit devant la 4L. Il veut savoir pourquoi j'ai peint le logo de La Poste à l'envers. Il me confie avoir passé toute sa carrière dans cette entreprise et être absolument persuadé que le logo est orienté dans le sens de la marche. Aussi se demande t-il si j'ai souhaité symboliser le recul du service public par ce renversement. Je lui avoue n'avoir pas fait cette inversion sciemment, mais que son témoignage plein de bon sens apporte de l'eau à mon moulin. Je le remercie et nous en restons là.
En 2016, j'expose à nouveau cette petite peinture dans mon exposition La diligence à la Galerie Anne Barrault à Paris. Un ami de passage me dit aimer beaucoup la manière expéditive avec laquelle j'ai torché la peinture. Je ne résiste pas à l'envie de lui raconter l'anecdote du postier, du logo à l'envers, du recul du service public ; quant à ce moment précis - alors que je me gargarise avec cette anecdote - un utilitaire Kangoo Z.E de la poste (le modèle de l'époque) passe dans la rue et vient se garer devant la vitrine de la galerie, dans la même position que ma peinture, comme pour venir illustrer mon propos. Et stupeur, le logo est tourné vers la droite. Mon récit tombe à l'eau et nous conjecturons finalement sur les probables élucubrations du facteur. Mais cette fois-ci, je décide d'en savoir plus sur le logo.
Il a été dessiné en 1960 par l'affichiste Guy Georget. Il a marqué l'entrée de La Poste dans l'époque moderne. Le logo est baptisé " l'oiseau postal ou oiseau-flèche ". Il pointe vers la droite, symbolise le messager et évoque la conquête des airs.
En 1978, Guy Georget simplifie son dessin.
Cette première recherche me donne donc entièrement raison contre le retraité et les images trouvées sur internet le confirment encore. Le logo de la Poste pointe toujours vers la droite.
Je me demande alors pourquoi le postier de Château-Gontier était tellement convaincu du contraire. J'approfondis mes recherches et je découvre une publicité des P.T.T (On ne dit pas encore La Poste) de 1978 dans laquelle deux bronzés devisent sur les vertus de leur entreprise publique respective. Et lorsque le facteur Christian Clavier ouvre sa portière pour sortir de son véhicule, on aperçoit clairement l'oiseau qui pointe vers la gauche ; l'oiseau à 5 parties de la première génération qui fait sans doute sa toute dernière apparition.
Et je comprends enfin ! Jusqu'en 1978, la Poste a produit deux autocollants pour tous ses véhicules, afin que l'oiseau pointe toujours vers l'avant, dans le sens de la marche, dans le sens du progrès. Le logo n'était pas seulement considéré comme un signe de la marque, mais aussi comme un outil de customisation. Rien n'interdisait à cette époque de retourner un logo pour flatter le bon sens. Puis, le graphisme s'est durcit en imposant ses normes. Soumis à la charte, La Poste n'a désormais plus produit qu'un seul autocollant, en obligeant celui du côté conducteur à pointer vers l'arrière. Le postier et moi avions donc tous les deux raison.
À une époque où la qualité des services postaux est en crise, je découvre finalement que cette entreprise publique a accepté de faire machine arrière depuis bien longtemps.


